Le tir à l’arc et et la vie selon Viktoriya KOVAL (UKR)

Victoire à la Coupe du Monde d'Antalya 2010   
L’archère ukrainienne Viktoria KOVAL est la Présidente du Comité des Athlètes de World Archery. Elle est aussi membre du Conseil d’administration de World Archery, et jeune mère de famille. Dans une interview récente, elle nous a révélé ses idées sur le tir à l’arc, l’olympisme, et son rôle dans l’administration du sport.     
Quel est le rôle du Comité des Athlètes au sein de World Archery? 
Notre rôle est de représenter les athlètes. Nous faisons le lien entre World Archery et les athlètes et assurons la communication entre ces deux parties. Notre comité rassemble les opinions, les idées et les demandes des athlètes, et les principales d’entre elles sont transmises aux Secrétaire Général de World Archery Tom DIELEN et au Directeur des événements Juan Carlos HOLGADO. Nous transportons également les messages dans l’autre sens, de World Archery aux athlètes.     
Comment êtes-vous entrée au Comité des Athlètes World Archery? Ce n’était pas prévu! En 2009 le Directeur des événements Juan Carlos HOLGADO et le Secrétaire Général de World Archery Tom DIELEN ont proposé ma candidature pour le Comité des Athlètes. J’ai décidé d’essayer et j’ai accepté. 

J’ai été choisie car le comité avait besoin d’un membre capable de faire la liaison avec les athlètes russophones. Cela représente une grande force dans le tir à l’arc: toutes les anciennes républiques soviétiques, mais aussi de nombreux pays occidentaux comprennent des athlètes russophones: l’Allemagne avec Veronika HAIDN TSCHALOVA, l’Italie avec Natalia VALEEVA, les Etats-Unis avec Khatuna LORIG, pour n’en citer que quelques-uns.

Il y a une grande diversité au sein de notre comité: je parle russe et anglais, Linda OCHOA (MEX) parle espagnol et anglais, Wietse VAN ALTEN (NED) parle néerlandais, anglais et allemand. Matija ZLENDER (SLO) slovène et anglais, la Britannique Pippa BRITTON (qui représente les athlètes à mobilité réduite) parle l’anglais, et nous avons également HAN Seung Hoon (KOR) pour le coréen! Nous pouvons donc communiquer dans beaucoup de langues. Nous récoltons les opinions des athlètes par langue et par catégorie: arc classique, arc à poulies, tir en campagne, tir à l’arc handisport.     Quelles sont les principales préoccupations du Comité à l’heure actuelle? Par exemple, nous avons discuté le système de qualifications pour les Jeux Olympiques, notamment le sujet des « wild cards ». World Archery a déjà transmis nos questions/recommendations aux organismes tels que le CIO et l’ASOIF.

Une autre question concerne les tentatives de faire inclure l’épreuve de double mixte ou l’arc à poulies au programme olympique. Ce dernier point est très important car la plupart des pays ne soutiennent que les sports olympiques. Si l’arc à poulies devenait une discipline olympique, le niveau augmenterait à l’échelle mondiale.

Le tir à l’arc ne décerne que quatre médailles olympiques, deux médailles individuelles et deux par équipes, un chiffre modeste en comparaison de sports comme l’athlétisme ou la natation. Nous avons suggéré à World Archery de tout faire pour essayer d’obtenir une médaille supplémentaire, et World Archery a présenté cette demande au Comité International Olympique. Nous devons suivre de longues procédures et c’est très difficile de faire changer les choses, mais nous essayon      
En dehors des questions olympiques, avez-vous d’autres exemples à nous donner? Par exemple, la position des archers sur le terrain a une incidence sur les résultats en raison de la direction du vent. Si le vent souffle de droite à gauche, un archer placé du côté droit du terrain sera à l’abri, mais un archer tirant depuis la gauche va en souffrir. Il a été proposé qu’en qualifications les trois membres de chaque équipe tirent séparément, un à gauche, un au milieu et un à droite du terrain, afin que le vent affecte de manière équitable toutes les équipes.

Un autre exemple concerne les nouveaux formats de compétition: pourquoi est-ce que les épreuves d’arc à poulies se tirent à 50 mètres, alors que celles d’arc classique sont tirées à 70 mètres, sachant que l’arc à poulies permet une plus grande précision? C’est une question délicate, car cela paraît insensé, mais nous sommes conscients que World Archery doit différencier les deux divisions dans l’idée de proposer l’intégration de l’arc à poulies au programme olympique. Les athlètes doivent aider World Archery à trouver des solutions à cette question. Avec le champion de saut à la perche et membre du CIO Sergei BUBKA (UKR)    
Que pensez-vous de l’évolution du tir à l’arc ces dernières années? Le tir à l’arc a connu une évolution très importante et très positive depuis la création de la Coupe du Monde en 2006. Le niveau général de la compétition a énormément augmenté, et les finales bénéficient d’une visibilité bien plus importante que par le passé, aussi bien pour les spectateurs qu’à la télévision. Ce dernier point est essentiel. 

Dans ma ville de Kharkov par exemple, nous n’avons qu’un club de tir à l’arc pour 2 millions d’habitants. Notre club connaît malgré tout une grande réussite internationale: il a récemment produit le champion olympique 2008 Viktor RUBAN et le médaillé de bronze par équipe 2004 Oleksandr SERDYUK, parmi de nombreux archers d’exception. Nous avons une forte tradition de tir à l’arc et de très bons entraîneurs. Cependant, notre sport demeure peu connu et nous avons besoin d’une relève. La diffusion télévisée fait découvrir le sport aux enfants et les encourage à s’essayer. Dans ce sens, le titre olympique remporté par Viktor RUBAN en 2008 avait constitué une excellente promotion pour le tir à l’arc en Ukraine.  
Pourriez-vous nous en dire plus sur le rôle de la télévision dans le développement du tir à l’arc? 
La diffusion télévisée est la meilleure promotion du tir à l’arc. Les images TV peuvent potentiellement atteindre tous types d’audiences dans le monde entier. Après avoir découvert le tir à l’arc à la télévision, peut-être que certains enfants auront envie de s’y essayer, et deviendront les champions olympiques de demain! 

C’était une excellente idée que d’exposer les finales de la Coupe du Monde dans des sites spectaculaires. Le Directeur des événements de World Archery Juan Carlos HOLGADO est un excellent gestionnaire qui bouillonne d’idées, et World Archery peut compter sur une très bonne équipe au service du développement de notre sport. Nous avons également la chance d’être représentés par le Président de World Archery, le Prof. Dr Ugur ERDENER, qui participe à de nombreuses conférences de par le monde et contribue ainsi à accroître la visibilité du tir à l’arc.      Les athlètes ont dû s’adapter à certains règlements calibrés pour la télévision… Archery TV et les diffusions télévisées sont destinées aux spectateurs. Dans ce sens, nous avons dû modifier certains règlements pour rendre le tir à l’arc plus télégénique. Par exemple, le format des finales a été conçu pour la télévision plutôt que pour les athlètes. De même, les archers n’aiment vraiment pas la limite de 20 secondes de tir seulement lors des finales, car elle est source de stress. Que faire par grand vent? Souvenez-vous de la finale d’Antalya l’an dernier, au cours de laquelle même les Coréennes avaient raté la cible. Ces matches vont très vite. Ce n’est pas l’idéal pour les archers, mais c’est excellent pour la télé. Si nous voulons développer notre sport, nous devons le rendre télégénique. Il s’agit de trouver un équilibre entre ce qui convient aux athlètes et ce qui convient à la télévision.
   Vous-même, comment avez-vous découvert le tir à l'arc? C’est une tradition dans ma famille: ma mère était championne d’Union Soviétique, et elle est maintenant entraîneur. Elle a participé à des compétitions alors qu’elle était enceinte de moi, et j’ai remporté une place olympique pour l’Ukraine quand j’étais enceinte de ma fille Diana! J’ai découvert le tir à l’arc à l’âge de 3 ans, j’ai essayé plusieurs sports, l’athlétisme, la gymnastique, le volley-ball… J’ai commencé à pratiquer le tir à l’arc sérieusement vers l’âge de 12 ans. En 2001, j’ai participé à ma première compétition internationale, la Coupe d’Europe Junior en Croatie, où j’ai gagné ma première médaille internationale! J’ai maintenant deux entraîneurs, ma mère ainsi qu’Alexander XENOFONTOV.   Comment conciliez-vous le sport d’élite et une vie de famille? Très bien! J’ai une vie normale pour une jeune Ukrainienne (rires): j’ai un mari, un bébé et un travail, qui est le tir à l’arc. Dans mon pays, tous les membres de l’équipe nationale ont le statut d’athlètes professionnels employés par le Ministère des Sports. Nous recevons un salaire moyen à l’échelle de l’Ukraine. C’est formidable d’être payé pour faire ce que l’on aime, car le tir à l’arc est notre passion. Tout ira bien pour moi tant que je continuerai à bien tirer: si je n’obtiens plus de bons résultats, de jeunes archers pourraient prendre ma place.

J’ai recommencé à tirer un mois à peine après la naissance de ma fille. J’emmène mon bébé avec moi à l’entraînement; ma mère et mon mari sont entraîneurs, toute la famille travaille ensemble au terrain de tir! J’ai repris la compétition en Ukraine fin avril, et j’ai tiré 1328 points, ce qui est bien. J’espère être alignée en compétition internationale très bientôt!
    
Justement, comment va votre tir? Je tire deux à trois heures par jour pour une moyenne d’environ 150 flèches par jour. J’ai toujours été alignée en compétition internationale ces dernières années, mais je ne vais pas participer aux Jeux Olympiques cet été. Par contre je serai présente à Londres en tant que membre de la Commission Exécutive de World Archery.

Quel message voulez-vous transmettre aux athlètes et aux jeunes archers?
A mes yeux, la communication avec les autres sports et les autres pays, les autres Comités Olympiques Nationaux est capitale. Je souhaite aider à transmettre les informations entre les comités d’organisation, les fédérations sportives et les athlètes.

En tant qu’athlètes d’élite et passionnés de tir à l’arc, nous avons le meilleur mode de vie: nous nous entraînons, tirons en compétition et avons des amis de tous les pays que nous rencontrons régulièrement sur le circuit. Toutes les émotions que nous partageons en compétition sont très intenses – non seulement celles qui concernent notre performance, mais aussi celles qui émanent des autres, de grands champions tels que Brady ELLISON (USA). Si vous voulez faire partie des meilleurs archers du monde, il est nécessaire de consacrer cinq à dix ans de votre vie au tir à l’arc. C’est valable pour la vie en général, et pas seulement pour le tir à l’arc. Si vous le voulez vraiment et que vous travaillez dur, vous pouvez réaliser vos rêves.    
      
Est-ce que votre fille va faire du tir à l’arc? Certainement. Ma famille comme celle de mon mari sont des familles de tir à l’arc. Ma fille devra essayer aussi! Mais je la laisserai choisir ce qu’elle voudra faire dans sa vie.
Merci et bonne chance pour la suite!
    
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